L’été dernier, je me suis achetée une guitare. Était belle, était rouge-bourgogne.
Je l’ai choisi dans la salle d’essayage sonore d’un ital-mélo-archam-boutique-de-guitare (name it) avec un gars, l’ami d’un ami, qui connaissait les vendeurs par leur prénom. Mon accompagnateur gratteux professionnel enfilait les instruments. Il commentait sur le feeling du bois, la couleur du son, la texture des accords, le velouté des cordes. Grammaticalement parlant, il faisait aucun sens. À un moment donné, ses oreilles ont eu un coup de cœur pour des « inflexions naturelles » et une « résonance enrobée ». En plus, elle était faite à même un cèdre-érable-peuplier-pleureur du Canada, élevé par une famille qui mangeait juste vegan. C’était une guitare éco-responsable, genre.
Fek j’ai sorti ma carte de crédit, pi je me suis achetée sa guitare bonne pour la conscience. Mais pas pour les bonnes raisons. Juste parce qu’était belle. Était rouge-bourgogne-tache-de-vin.
L’affaire avec ma guitare bio belle pour les yeux, c’est qu’un peu trop vite à mon goût, elle a arrêté d’être un cool projet d’été pour devenir une pas-pire triste métaphore de ma vie. Au début, c’était l’fun. J’me suis autodidacté deux-trois accords, les ai enchainés, montrés à mes amis. « Ayoye, t’apprends tellement vite! » Thanks. Après, quatre-cinq jours plus tard (gros max), j’me suis tannée de mes deux-trois accords que je maîtrisais même pas qui sonnaient comme rien. J’voulais jouer des tounes. J’voulais chanter pi m’accompagner en même temps pi faire des vidéos sur youtube devenir une star me partir une fondation pour aider les jeunes artistes gagner un grammy. No big deal, être une pro de la guit. J’avais déjà joué du violon. Tout le monde sait qu’un violon, c’est comme une petite guit.
Projet fouarreux. Mes doigts étaient comme un band des années 90; ils voulaient se splitter pi se partir des carrières solos. Aucune coopération. Je me suis mise à niveler par la base, chercher des chansons qui mettraient mes deux-trois accords sous le spotlight. Un peu mieux. Iris pi Dust in the Wind avec un peu de Cabrel (tsé, je l’aime à mourir avec pour projet un jour de me transformer en Shakira). En boucle, une semaine de temps. Jusqu’à temps que j’arrive aux bridges, modulations, solos de guit et macarena. Y’en aura pas de facile.
Devant ce décourageant constat, cette phrase anti-magique, « Y’en aura pas de facile », bin j’ai pris ma guitare rouge-sang-de-peinture-pi-peut-être-un-peu-de-mes-doigts-meurtris pi je l’ai remis dans son étui.
Ça fait qu’en bref, j’ai appris des intros, j’ai gratté des refrains, pi arrivée au bridge, j’ai mis la guitare dans un coin. J’ai fait la même affaire avec des gars, des projets de décos, des idées de jobs de vie, des rêves de petites filles. Si bien que je regarde le salon-métaphore-de-ma-vie, pi qu’il est plein de petites guitares rangées dans des coins. Pi à force d’avoir les coins pleins, j’ai accroché pleins d’autres petites guitares sur les murs. J’ai un home-sense à moi toute seule rempli d’intros de tounes, de ce-qui-aurait-pu-être, des miettes d’histoires d’amour et de réussites qui auront jamais vu le jour faute d’avoir voulu apprendre à le jouer le foutu bridge, pi mettre les efforts et le temps que ça prend dans la vie, dans toute, pour que quelque chose fonctionne pi soit durable.
J’me déresponsabilise un peu. J’me dis que c’est pas ma faute si j’ai pas pu m’investir dans mon projet cool d’été de guitare-garçon-déco-profession. Parce que choisir de me poser pi d’apprendre à jouer de ma guit rouge, c’est accepter que j’aurai moins de temps pour toutes les autres guits. Pi ça c’est dont difficile à accepter, de pas toutes les avoir et toutes les connaître et toutes les gratter les guitares, quand la vie va vite-vite pi qu’elle te propose tout plein de musique, nouvelle, tout le temps. Maudite société de TDAH musical.
Mes petites guitares, c’est des grosses métaphores.
Peut-être que ce blogue d’histoires anodines c’est ma nouvelle guit couleur bleu-électrique-feu-de-fondue-chinoise. J’espère pas. En tout cas, j’vais me forcer.