Je me réveille en discrète. La lumière, à travers ta carence de rideau, traverse mes paupières déjà lourdes de nos adieux quotidiens. Tu dors encore, mais dans quelques minutes tu me feras partir. Routine. Pas envie. Tes draps, de connivence, se resserrent sur ma peau et me font prisonnière de nos ébats de la veille. J’leur résiste pas. Immobile, j’entrouvre les yeux. J’espionne les pépites d’or valser au-dessus de ta tête; c’est comme des fée-poussières qui font la fête pendant qu’on dort. Si elles savaient que je les espionnais,elles changeraient sûrement leurs chorégraphies. Elles s’énerveraient, feraient des solo de ballet jazz, maybe. On sait jamais, sont peut-être show off. Mais moi j’aime leur valse secrète, c’est lent, gracieux. Ça fait que je les épie en catimini.
Derrière le voile de mes cils collés par le mascara waterproof mal démaquillé, tes cheveux se confondent avec le soleil. C’est beau. T’es un homme-soleil. Tu me souffles du chaud dans la face, chaque expiration met du feu dans mon dedans. T’es mon homme-soleil et je suis une Vénus incandescente collée à ta peau. On fait de l’astronomie humaine comme ça, à l’aube du chez-toi, dans le confort de tes draps, dans le creux de tes bras. C’est plate par contre. Dans une heure, maximum, on va m’arracher à ton orbite. Routine. La maudite. Je vais aller me changer d’air pi retourner sur ma planète, à l’abri de tes UV qui me brûlent la rétine à force de te regarder. Anyways. Vénus out, j’vais me promener sur Pluton, déjà pu sûre d’être dans ton système solaire. Pas envie.
Trop vite, ton corps inanimé reprend vie à travers ces draps qui ne te capturent pas, toi. Tu te retournes, une, deux, trois fois. Morphée a reboutonné sa chemise, je crois. C’est comme si d’un coup, l’horizontal te fatigue plus qu’il ne te repose. Tes pieds ont pas touché le sol que déjà ta tête fait les cents pas. Merde. Je retiens mon souffle et fais une petite prière pour qu’aujourd’hui, je passe avant tout le reste. Que t’appelles la NASA pi que tu leur cries « Eille la grande, Pluton c’t’encore une planète. Jsuis un homme-soleil pi c’est moi qui décide. On la garde. » Mais j’suis pas niaiseuse. Je le sais bin que ma petite prière rivalise pas avec ta pile de routine déjà éparpillée sur ton bureau de vie. C’est la même affaire tous les matins; j’t’en compétition avec tes projets pi tes gagne-pains. Je suis une bonne perdante pareil. Les nuits sont cool dans ta galaxie, c’est juste que tu brilles plus de jour.
T’ouvre les yeux, j’ferme les miens super forts. J’répète mentalement ma prière qui sert à rien à la NASA imaginaire. J’détends ma face au cas où tu voudrais me l’espionner toi aussi. J’aurais dû mieux me démaquiller l’mascara tout motonné. J’aurais dû faire comme dans les films de love poche-drôle avec toujours les mêmes actrices pi aller aux toilettes en ninja et me remettre du make up. Mais j’ai pas le cerveau assez vite le matin. En plus c’t’un appart’ de gars, ça s’lave la face avec du savon à main ces bibittes-là. Pas champion sur la peau de cendrillon. Tu me fixes, j’pense. Ton soleil me chauffe le visage, j’ouvre les yeux (à moitié. Osti de motons de mascara). Tu te râcles la gorge pi louches vers la cuisine. « T’as faim? » -Non. (oui, j’sais pas). « T’es sûre tu veux même pas des toast? » -Non.
J’ai pas tant envie de déjeuner. Déjeuner c’est capituler devant la routine qui gagne toujours sur mes projets interstellaires. C’que J’ai l’goût par contre, c’est de me faire du spaghetti avec tes cheveux, boire une rivière à même ta bouche, pétrir ta peau pi m’en faire un gâteau décoré des bleuets de dedans tes yeux. J’ai l’goût de te déguster de haut en bas, sauter des repas, souper de toi que tu soupes de moi. Mais manger des toasts? Pas envie.
« J’ai des muffins sinon? » Non maudit. J’ai l’goût qu’on cancelle la journée qu’on se fasse un château de factures à payer qu’on y mette le feu qu’on danse autour pi qu’on s’enferme dans ta chambre barricadée. Un siège contre ta foutue routine. Mais des muffins? Non merci.
« J’te fais un bon café debord. » Tes lèvres frôlent mon cou et tu te lèves tout d’un coup. Les pauvres fée-poussières se font barrouetter dans tous les sens. Le spectacle est fini. J’te regarde t’éloigner pendant que mon bec-sec-de-nuque sèche encore plus pi j’me rendors un peu. Mal. Fait frette. Faut jamais sous-estimer le système de chauffage intégré de mon homme-soleil.
J’entends la cafetière crachoter. Ark. Pour vrai j’aime même pas ça le café. Mais c’est bin juste la seule affaire qui te ralentit le matin dans ta course pour devenir quelqu’un. Ça fait que j’en prends un avec toi. « Un lait, quatre sucres, right? » J’entends dans ta voix que t’es full fier de connaître le nombre de sucres qui m’faut pour fonctionner. Ça te rend tout content, tu te mets à siffler du Bloodhound gang : « The bad Touch ». C’tellement inapproprié que ça te fait rire. Mon homme-soleil y’é niaiseux au boute. Je l’aime bin. J’l’aime tout court, en fait, j’crois. Ça m’brûle, ça m’démange, j’vais lui crier de sa chambre à la cuisine, en étoile filante d’une pièce à l’autre.
« Eille!? » que j’lui dis, la ponctuation de voix fucking incertaine. –Quoi?
Sa petite tête dépasse le cadre de porte. Shit. Chaque fois que j’ai de quoi d’important à dire qui implique une couple de sentiments, j’ai une grosse boule de film western qui me passe dans la gorge pi l’éloquence d’un lendemain de veille. J’veux lui chuchoter, lui chanter, lui dire, lui crier que j’l’aime, pi toute c’que j’lui réponds c’est :
« Cinq sucres aujourd’hui steplaît! »