Le petit séquoia

Le petit séquoia

Dans ma vie, j’ai un petit séquoia. C’est ironique un peu dit de même. « Réveille championne, un séquoia c’est toujours fucking grand. » Je sais. Moi aussi je maîtrise le google, tsé. Mais dans une forêt de séquoia, admettons, le mien c’est pas le plus haut. C’est pas le plus beau, ni le plus fort, mais c’est le mien. J’suis chanceuse pas mal d’en avoir un séquoia. J’en connais qui en ont même pas, jamais eu ou pire encore, qui en avaient un mais qui l’ont perdu. Perdre un séquoia, ça doit laisser un méchant trou dans un jardin de cœur-végétal.

Mon séquoia à moi il est particulier. Il a pas poussé dans une forêt de séquoia comme les autres : il avait pas de tronc d’arbre modèle sur qui s’appuyer quand il avait mal aux bourgeons. Il s’est pas fait dire non plus qu’il irait gratter le ciel à grand coup de branches quand il serait plus vieux. Ça fait qu’avant d’se tester la poussée de croissance, il s’est enfoncé les racines le plus profond qu’il pouvait dans le sol et il s’est cultivé l’âme en travaillant plus fort que tous les grands arbres. Il est solide mon petit séquoia. Une chance, parce qu’il en traversé une coupe, des tempêtes.

Des fois, quand je contemple le jardin que j’ai cultivé, qui m’a cultivé, mes yeux le regardent sans le regarder. Parce qu’il a toujours été là, parce qu’il reste le plus imposant pi le plus solide de tout mon entourage botanique, j’en viens à le prendre pour acquis. À trouver ça normal qu’y’ait toujours des branches pour me rattraper les pétales quand j’pogne dans le vent-de-la-vie. À considérer ça logique qu’il me garde un coin d’ombre au cas où j’me brûlerais les rêves au soleil de mes ambitions créatives. Pi à trouver ça pas-pire-cool d’avoir une réserve de sève quand j’assèche mes ruisseaux pour m’acheter de l’engrais-qui-sert-à-rien.

C’est une erreur que je fais pas mal trop souvent. Je m’appuie sur mon petit séquoia et je prends l’ombre, la sève et les branches comme si j’y avais droit. Comme si ça allait de soi. « Parce que tsé, j’t’un chrysanthème exotique full spécial, j’le mérite. » Not. Dans les faits, j’suis bin plus proche d’un moton de lichen collé à son tronc qu’une plante-fleur épanouie-indépendante. Work in progress, qui disent.

Entretemps, je suis tellement occupée à tout prendre, à me regarder le pédoncule, à m’gratter les bobos, que j’oublie de mettre des plasters sur ses cicatrices d’écorce. Tsé, j’ai beau pas tant avoir le pouce vert, y faut pareil pas être horticulteur pour comprendre que chaque arbre connaît son lot d’hivers. J’m’excuse d’oublier tes hivers des fois. Pi, entretemps, j’tellement occupée à m’pousser le feuillage pi à me mettre des couleurs dans les fleurs que j’ai pas encore que j’oublie presque 95% du temps de lui dire merci. Pas fort. Merci pour tout, tout tout. Tout le temps, Partout.

Dans ma vie à moi, j’ai un petit séquoia. C’est ironique un peu dit de même. « Réveille championne, un séquoia c’est toujours fucking grand. » Je sais. J’l’ai googlé moé too. Pi dans la forêt des séquoias, admettons, ça reste que c’est pas le plus haut, ni le plus beau, ni le plus fort. Mais c’est le mien. J’en connais qui en ont même pas, jamais eu ou pire encore, qui en avaient un mais qui l’ont perdu. Ouais. Vraiment, j’suis chanceuse en maudit d’avoir un séquoia dans ma vie.

Quand j’aurai des petites plantes à mon tour, que je bâtirai des jardins pour d’autres, j’espère être aussi forte et généreuse que lui. J’aimerais ça; ça serait l’fun.

Je l’sais bin, jsuis en retard, mais

Bonne fête des séquoias, papa.