Tu te réveilles le matin et t’ouvres ton cell sur le livre des faces. Tu checks et rechecks les visages des filles qui défilent sous ton pouce que tu leur lèves en thumbs up une fois de temps en temps, pas trop souvent par alternance, pour leur rappeler que t’existes. Que t’es encore là. Que t’es disponible, mais pour plus tard peut-être. T’as le like stratégique un peu, tu ramènes à la surface des anciennes flammes pi des chimies qui ont pas encore fait feu de foyer. Mais ça t’engages à rien, ça veut rien dire un pouce en l’air. T’as une liste de régulières dans ta tête que tu vas zieuter leur profil en ordre d’importance dans ta vie, en commençant par ta dernière ex qui est jamais vraiment sortie du décor qui revient sporadiquement, quand son cœur ton cœur son engin pi ton engin sont disponibles, te voler des heures de sommeil après des scrabble textos désinhibés de sortie de bar. Tu déroules ensuite les pages-de-vie des trois dernières (avant ta vraie dernière) conquêtes de gueule et compagnie, puis tu finis par la fille way out of your league qui gravite toujours autour de ta gang de gars. Tu regardes leurs photos, t’espionnes leur quotidien parce que dans ta tête t’as crié shotgun sur toutes elles pi t’es un peu territorial. T’envoie des inbox aussi les jours où elles publient des photos de yoga full-split-zen-en-sous-vêtements qui te tapent un peu plus fort la rétine. Hey ça fait longtemps qu’est-ce qui t’arrive de bon donne des news! Message bien innocent, mais tu le supprimes quand même de ton historique. Juste au cas.
Ta copine se retourne, encore à moitié endormie à côté de toi et ton cellulaire à tentations. Tu l’observes. Ses traits sont beaux en dessous de ses freckles de pommettes pi de ses cheveux en bataille de carottes sur son front, délicats même. Les draps lui enveloppent le corps et laissent deviner des formes pas pire sexy mais pas flexibles pour deux cennes sous le polyester-coton-égyptien. T’aimes ça en tabrouette partager ton lit pi ta vie avec la même personne tous les jours, quelqu’un qui prend ton chest pour un oreiller pi qui t’écoute râler sur ta journée; tu changerais pas de literie de sitôt tu comprends. Mais reste que la maudine femme-pretzel-de-yoga te tapisse la mémoire court terme, t’as hâte qu’a te réponde. Tu te lèves en ninja, laisses ta trace de bec sur le front de ta rousse pi tu prends une douche tu-seul pour prolonger les images toutes fraîches des autres que tu ne veux, ne peux, ne devrais, pas prendre. Pas pour l’instant. Mais tu les regardes, les gardes pour toi, tu y penses.
Tu pars au boulot avec un sac de papier brun rempli de trucs bons pour la santé que ta blonde pas couleur blonde t’a préparé la veille, laissé dans le fridge avec un p’tit cœur qui dit bonne journée. Tu te trouves chanceux parce que t’aurais enligné la pointe de pizza vieille de trois jours si elle avait pas pensé à ton estomac moins solide de gars qui a pu la début vingtaine. Arrivé à la job tu t’installes à ton ordi à ton bureau en diago de ta collègue préférée tout le temps à quatre pattes par terre à ramasser les crayons qu’elle laisse tomber en tique nerveux de jasage de téléphone avec des gros clients. Accroupie de même sa jupe remonte le long de sa cuisse de fille de vélo de course ou d’équitation et t’entrevois de la dentelle de toutes les couleurs en forme de V du Brésil qui hurle au sens de l’entreprenariat. C’est une femme entreprenante de partout, tu le vois dans sa façon de travailler dur, de parler fort, le ressens dans ses sourires engageants et ses dessous déconcentrants. Tes yeux stallent sur elle toujours un peu trop longtemps. Elle le sait pi elle aime ça. Récemment, vos échanges de courriels professionnels se font de plus en plus réguliers, de moins en moins pertinents. Vous avez autant d’insides qu’il y a de Tremblay dans le bottin téléphonique, ça fait jaser un peu les autres du bureau qui partagent l’air clim pi la photocopieuse avec votre bulle de complicité. Le hasard fait foutument bien les choses, son nom c’t’un nom unisex genre claude-frédéric ça fait que tu parles d’elle à la maison quand tu racontes tes journées pi ta blonde-rousse trouve ça trop drôle toutes les niaiseries que tu fais avec ton bro C-F. (oups) À l’heure du lunch, vos mains, vos bras, vos pieds se frôlent à moins d’un centimètre en dessous comme au dessus de la table pendant que tu manges le hummus fait par les taches de rousseurs qui t’attendent le soir à la maison. Quand il fait froid un peu trop pi qu’elle a la chair de poule, son p’tit duvet d’bras te chatouille le tien; ça te rend tout chose. Entre des emails sur les intertoiles au travail et des presque contacts d’extrémités humaines dans le breakroom, tu t’en fais pas trop. T’es clean pi fidèle pi toute. Mais tu mentionnes ton statut de gars en couple pas trop souvent quand même, genre quasiment jamais. Flou raisonnable.
Le soir, ton boss call un 5 à 7 ça fait que t’appelles ta copine pour lui dire que tu vas rentrer tard. T’entends un peu de déception dans son trémolo de voix qui fait semblant que ça dérange pas. Elle aurait aimé ça jouer aux ustensiles tout collés devant un film tu penses, toi aussi dans le fond, ça fait que tu lui promets de faire la cuillère demain toute la soirée. Ça lui fait plaisir, ça te fait plaisir, pi tu te sens bien libre pi léger pour le moment. T’as hâte de passer du temps en amoureux autant que d’aller prendre une beer avec ton « bro » maintenant que la job t’en fournit l’occasion. Le bar est bondé, l’ambiance est collante ça sent l’party et il est même pas 6h. Le patron joue au chef d’entreprise cool et offre l’alcool pour tout le monde du bureau, ça fait que tout le monde fait semblant qu’il est effectivement cool pour le remercier donc tu passes plus de temps avec le boss que la chix. La maudite, ta chère collègue fav part plus tôt son chum vient la ramasser pi lui colle un gros bec mouillé sur les lèvres toutes rosées. Tu savais pas qu’elle était in a relationship. Tu la compares dans ta tête à un agent double c’est rare que quelqu’un laisse aussi peu de trace d’une relation que ça. Quoi que tu te regardes pas beaucoup l’nombril quand tu penses de même. En la regardant s’en aller dans sa p’tite jupe de dessous de dentelle (bleue aujourd’hui), tu peux pas t’empêcher de te sentir trahi, pi après de te sentir con. Ça a pas rapport, tu te redresses les pensées, ta blonde t’attend à la maison.
Quand même, t’as l’orgueil un peu blessé d’être pas tant que ça dans la mire de C-F ça fait que tu restes au bar plus longtemps que les autres et t’enchaîne les rhum and cokes vu que ça te soule plus que la bière. Il y a une belle femme, probablement quelques années plus jeunes que toi, qui danse pour elle-même les yeux semis-fermés au bar en attendant son verre de gin. Tu te déplaces sur le banc à côté d’elle, sans lui parler, juste pour voir. Comme au courant de ton problème d’egotrip, l’inconnue se charge de te panser les bobos de mâle en te faisant les yeux doux. T’engages la discussion. No big deal, jaser au bar. Ton dernier collègue à être dans la place vous envoie des shots en guise d’aurevoir, ses yeux baignent dans le houblon. Vous les prenez d’un coup, faites les grimaces obligatoires des shooters, vous vous trouvez drôles. La musique augmente en volume au fur et à mesure que la lumière et ton sens de la coordination baissent en intensité. Vos yeux se cherchent, faut se parler directement dans les tympans pi se respirer dans le cou pour s’entendre. Par la force des choses, de tes mots qui trébuchent pi du DJ qui boomboom de plus en plus, la conversation ralentit, vous allez danser un peu. Pas collés ni rien. T’es good. Elle travaille le lendemain, toi aussi, ça fait que vers minuit vous vous appelez des taxis. Deux. T’es sage, t’es fier; pendant un instant t’as eu peur un peu de toi-même. Elle te laisse son numéro avec un clin d’œil, elle est game la p’tite. Tu le prends sans trop hésiter, en ayant une réflexion décousue sur les femmes du 21e siècle pi les jeux de séduction, mais en le rentrant dans ton cellulaire, tu inscris la belle étrangère sous le nom de « Marc ». Tu le sais que tu la rappelleras jamais, mais ça te fait plaisir, de l’avoir juste là. En rappel de ton sexappeal.
T’arrives à la maison en gossant juste un peu les clés autour de la serrure avant d’atteindre le trou. La lumière de la chambre est allumée, mais ta rousse dort un roman policier encore ouvert dans les mains. Cute. Tu te couches à côté d’elle la tête remplie de visages qui lui appartiennent pas, peut-être que la fille de yoga t’as répondu, tu l’sais pas, tu checkeras demain matin. Sur ce, tu te retournes pour spooner ta copine, tu lui donnes un bec dans le dos du cou et tu t’endors l’esprit tranquille, semi conscient de tes milles petites infidélités.