J’aime partir. Voyager. Ça me picotte le postérieur ces derniers temps j’ai la bougeotte dans mon salon. Je compte les avions qui passent au-dessus du balcon de mon trois et demi je m’imagine m’accrocher à leur traînée de fumée de nuage blanc qu’ils laissent derrière eux comme attachée à la queue d’un cerf-volant. Je daydream d’aventures en terre inconnue, de chutes dans des forêts tropicales de toutes les teintes de vert et de villes overpopulées de destins individuels et de pancartes qui se lisent de droite à gauche. J’ai envie de me remplir un backpack de mes essentiels thats it pi prendre un billet d’avion pour nulle part et n’importe où. J’aime assez ça voyager.
Mais ce que j’aime le plus du voyage, c’est pas tant le voyage. C’est sûr et certain que c’est beau dans ma rétine des paysages de carte postale en vrai pi que c’est bon pour le cerveau les histoires des gens nouveaux qui vivent des trucs différents, je trippe. Mais ce que j’aime le plus dans tout ça, c’est moi.
J’suis tu bizarre? J’suis tu toute seule ?
Quand je suis à l’autre du bout de la planète ou plus proche, ailleurs que ma maison-ville natale, je deviens la meilleure version de ma personne. Comme si en partant à la découverte du monde, je faisais la découverte de moi-même en fait. Je souris plus, je respire plus. Je garde les yeux ouverts et je m’émerveille de tout, d’un escalier un peu croche, d’un enfant qui saute dans une flaque d’eau, des feuilles d’un arbre super grand qui prennent dans le vent devant un coucher de soleil rouge sang. Je cligne des yeux un petit peu plus fort pour prendre des photos dans ma tête. Je prends le temps d’apprécier. Je me découvre des forces aussi. Physique, en premier, quand je regarde mon podomètre en fin de journée pi que je fais des highfives dans ma tête à mes souliers cheap pour avoir tenu le coup des 30 000 pas quotidiens. Thumbs up mes shoes ! Mais je me découvre des forces de tous les autres types aussi, genre le courage d’aller essayer de baragouiner une langue inconnue pour me commander de la bouffe locale. La débrouillardise de me sortir des situations de marde dans lesquelles je me retrouve souvent, perdue au bord d’un chemin quand il commence à faire pu super clair. Le sangfroid que je garde à ce moment-là, alors que j’imagine ma version pas de voyage de moi-même déjà en train de se déshydrater de larmes. L’ouverture d’esprit dans toutes les choses que j’essaie pi mon entregens surtout. En voyage c’est là que je me fais toujours le plus d’amis, parce que je parle à l’inconnu au lieu de lui lancer des fuck you avec les yeux quand il vient me parler dans la rue ou dans le bar. Je vais vers lui, l’inconnu singulier et pluriel, je me présente à des grands groupes de gens avec la confiance d’un prix Nobel de sociabilité puis je leur pose des questions sur leurs vies. Je suis curieuse en voyage. J’ai tout à apprendre de tout le monde et ils ont tout à apprendre de moi et on s’échange des confidences sur nos bouts de chemins respectifs pour toujours invariablement se rendre compte qu’on n’est pas seuls ni différents dans nos problèmes de course à l’amour de la vie pi nos recherches de nous-mêmes. Dans nos envies de grandeur, de devenir quelqu’un, d’amasser les souvenirs, d’être des personnes bonnes pour l’humanité. En voyage je me découvre des affinités avec tout le monde peu importe leur âge leur provenance mais je me découvre des affinités avec moi aussi quand je me rends compte que ce que j’ai à dire est intéressant même si des fois à la maison j’trouve ma vie pi mes opinions plates, que l’énergie qui circule vient en partie de l’énergie que je donne. Justement, en voyage je suis rarement fatiguée. J’ai cette soif de ne rien manquer qui me ressource et qui me pousse à me lever tôt super tôt même avant mon deuxième snooze. Je dis non à rien même si j’suis moyen certaine parce que j’ai l’impression que chaque opportunité me nourrit et me fait découvrir des nouvelles facettes de moi-même. Je suis game en bibitte quand j’sors des frontières imaginaires qui existent autour de ma province de mon pays qui me limitent le potentiel on dirait.
Assise en indien chez moi, j’ai l’air de rien de tout ça. Je me trouve poche un peu, je dis non souvent aux trucs qu’on me propose parce que j’ai juste hâte de me mettre en boule dans mon lit tout chaud pi de regarder des téléséries en rafale. Je fuis les festivals, je trouve qu’il y a trop de monde ce qui fait aucun sens parce que des rues bondées à Montréal ça ressemble en rien aux rues bondées des grosses villes asiates que j’trippe à visiter. Je sors pour les fêtes des gens seulement et encore là ça me prend pas mal de petit change pour pas choker, genre pas trouver mon parapluie un soir qui annonce peut-être un peu de pluie. Bye-bye le party. Quand je suis pas en voyage, je suis sauvage. J’évite le regard des étrangers j’ai toujours l’impression que c’est des mauvaises personnes avec des intentions douteuses. Un enfant saute dans une flaque d’eau pi je fais pas de photo dans ma tête en clignant des yeux. C’est juste un kid pi des bottes de pluie, il y a rien là. Pire, je change de bord de trottoir, ça m’irrite de courir le risque qu’il m’éclabousse mon jeans cheap du H&M. Au travail je trouve que tout est inutile et qu’on sert un peu à rien qu’on mène nulle part. C’est niaiseux parce que quand je parle de ma job à des inconnus en vacances je sonne pas mal plus motivée que ça pi je finis par me croire que c’est pas tout négatif ce que je fais au boulot. Dans ma maison-ville, quand je me perds j’utilise pas tant les ressources dans mon dedans, mon courage, ma débrouillardise, mon intelligence, mon sens de l’orientation. Je cherche ni le Nord ni le Sud à l’aide des repères qui m’entourent. Chez moi, dans la belle province, j’appelle ma mère pi je lui demande de me décrire des googlemaps pour pas utiliser mes données de cellulaire, mes données d’itinérance, ceux que dans le fond j’utilise pas quand j’itinére en dehors du Kébec parce que dans ce temps-là je vaux tellement plus que quelques gigabites des internets. Ma vie pas en voyage, elle est bin ordinaire rien de super magique parce que je fais pas le choix à chaque seconde d’être pas ordinaire et de voir la magie partout où je vais. Je suis paresseuse on dirait.
Ça fait que j’ai super hâte de repartir à la découverte du monde, à la découverte de moi. Je m’aime tellement plus quand je voyage. Puis quand j’aurai assez pratiqué l’art d’être présente d’aimer le moment de parler aux gens de prendre des photos avec mes yeux pi de vivre au maximum de mon énergie, peut-être que je saurai appliquer tout ça à ma vie d’ici aussi.
XX, Les Anodines
Photo par mellire (Instagram), nakiiomelo.wordpress.com